Surprise, le plus gros mythe sur le yoga n'est pas celui que tu crois
- Julie
- 2 juin
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 sept.
Tu vas peut-être trouver ça un peu dur à lire. Je vais mettre le doigt sur un mythe très, très confortable — entretenu par l’industrie du bien-être — qui fait vendre des tapis, des leggings, des stages à 2000 balles et des promesses "d'union corps-esprit" Business is business, right ? tu peux d'ailleurs lire l'incontournable livre de Zineb Fahsi "Yoga le nouvel esprit du capitalisme" ca va te faire changer de perspective.
Spoiler alerte : Le yoga n'est pas né dans une recherche "bien-être, c'est même tout le contraire
Le yoga ne te veut pas du bien, non… du moins pas comme tu l’entends. Si tu crois que le yoga est là pour t’apporter de la détente, un moment doux entre deux mails et trois stations de métro, oui il a cette vision mais pas que, celle-ci est l'objet d'un yoga d'occident. Ce mythe a été entretenu par des décennies de marketing bien rodé, qui vend le yoga comme on vend une crème hydratante miracle. Le yoga serait censé te faire du bien, te rendre zen, te reconnecter à toi-même, à la nature, au cosmos, et entre deux magasines chez le libraire, te faire un boule d'enfer pour l'été, parce que oui CA c'est vendeur.
C’est pour cela que le yoga "traditionnel" outre cette dimension "se sentir bien" propose plutôt de dresser l’esprit et purifier le corps. Oui, dresser, littéralement : faire face à l’avidité (lobha), à l’attachement illusoire (moha), à l’orgueil (mada), à la colère (krodha), à la jalousie (matsarya), autant de kleshas (afflictions) qui obscurcissent le discernement (vivaka) et entretiennent l’agitation du mental.
Purifier le corps et la voie de l’inconfort
Le corps, dans la tradition yogique ancienne mais pas que, est un outil mais aussi un obstacle. Il est perçu comme un véhicule à discipliner pour que la conscience s’élève. Les textes traditionnels, comme la Hatha Yoga Pradipika, parlent de purification (shuddhi) à travers des pratiques qui vont bien au-delà des enchaînements de postures agréables.
Il y a par exemple (liste non exhaustive) :
Svedana : faire transpirer le corps pour expulser les toxines, souvent par la pratique intense d’asanas tenus longtemps ou par exposition à la chaleur dans l'approche ayurvédique.
Urdhva bahu : posture ascétique où les bras sont maintenus levés durant des heures, des jours, voire des années, oui oui, pour transcender la douleur physique et l’attachement au confort.
Mouna : le silence, non pas comme pause zen mais comme confrontation brutale au vide, à la peur du silence intérieur, à l’ego qui meurt sans le bruit de l’extérieur.
Trataka, Neti, Dhauti, Nauli : des kriyas de purification physique et mentale parfois rudes, inconfortables, mais destinés à décrasser les canaux énergétiques (nadis) et le mental.
Tapakara : le yogi reste suspendu, parfois par un pied, cherchant à transcender les limites physiques et mentales par des épreuves corporelles intenses
Ces pratiques n’ont pas pour but de te "faire du bien". Elles sont là pour affiner, purger, te mettre face à toi-même, car le corps physique - selon la tradition - est en tout premier lieu un espace impur. Ce sont des disciplines radicales, qui impliquent renoncement, ascèse, feu intérieur (tapas) qui sont mise en place par le yogi pour transcender et se libérer du cycle des renaissances (samsara) et oui rien que ca. Pas très vendeur tout ca, en tout cas pas vendeur en occident.
Capitaliser son "bien-être"
Petit zoom politique - car le yoga baigne dedans - tu peux consulter un post à ce sujet en cliquant ici Le bien-être est une industrie très florissante, et le yoga, l’un de ses produits phares. En 2023, le marché mondial du yoga représentait plus de 150 milliards de dollars (source : Grand View Research), et rien qu'aux États-Unis, plus de 36 millions de personnes pratiquent le yoga (source : Yoga Alliance, 2022). On parle ici d’un business qui ne cesse de croître, porté par une promesse simple : la recherche du bonheur, devenir zen.
Dans ce contexte, le yoga est vendu comme un service de confort, à l’image d’un massage californien ou d’un bain aux huiles essentielles ; détente, harmonie, beauté, minceur, énergie… un joli packaging, accessible, désirable. On t’invite à un moment de paix intérieure entre deux journées de travail, un stretching un peu chic, un "retour à soi". Mais ce que ce discours cache soigneusement, c’est que le yoga traditionnel est tout sauf confortable. Il est exigeant et il confronte. Il demande de la régularité, de la patience, du dépouillement, de l'humilité et s’inscrit dans une démarche de désidentification progressive de ce que tu crois être : ton corps, ton histoire, tes émotions, ton image. Le yoga, dans ses racines, n’a rien de facile, il est même assez exclusif, il est ascétique, parfois austère, souvent ingrat. Et surtout : il ne promet rien.
Pourquoi ce décalage abyssal entre la tradition et ce qu’on te vend aujourd’hui ? Parce que le yoga dans son essence dite "traditionnelle" ne se vend pas bien en occident. Il ne promet pas le bonheur. Il ne garantit pas la sérénité. Il n’augmente pas ta productivité. Il ne te rend pas plus sexy. Il te détruit, pour mieux te reconstruire. Ce message-là, il ne rentre pas dans une pub Instagram. Il ne génère pas de likes. Il ne remplit pas un studio en centre-ville à 19h.
Alors le yoga se relook pour devenir conforme aux standards du marché. On l’a vidé de sa dimension libératrice pour en faire une méthode d’optimisation personnelle. C’est plus vendeur, plus rassurant, et surtout… ça ne dérange personne. On ne parle plus de vairagya (le détachement), de dukkha (la souffrance inhérente à la vie), de samskara (les conditionnements mentaux à déraciner), ni même de moksha (la libération).
Comme un miroir flatteur au lieu d’être un outil de déconstruction. Il ne te dit plus : « Regarde en toi ce qui est corrompu, conditionné, illusoire », il te dit : "Tu es parfait·e comme tu es, allonge-toi et respire".
Le capitalisme ne peut pas digérer une pratique qui invite au renoncement, au non-attachement, à la simplicité radicale. Alors il sublime le contenant (le corps souple, la salle design, le tapis éco-responsable) et dissimule le contenu (la discipline, le discernement, le silence, le vide). Ce n’est pas un malentendu : c’est un choix idéologique.
Non, ce qu’on vend, c’est une version propre et confortable. Un yoga domestiqué et compatible avec le système. Celui-là ne dérange pas. Il t’aide à mieux dormir pour mieux performer. Il t’enseigne le lâcher-prise pour mieux supporter ton cadre de travail. Il t’apprend la respiration, mais sans jamais questionner ce que tu continues d’avaler chaque jour. Parce que le yoga n’a jamais été un simple outil de régulation émotionnelle. C’est une pratique radicale de transformation intérieure. Une discipline complète qui parle de purification (shatkarma), d’abandon de l’égo, de brûlure volontaire des conditionnements (tapas), de rupture avec les attachements (raga), l’avidité (lobha), l’illusion (moha), la peur (abhinivesha).
Cambodge : retraite, yoga et larmes
Je vais te parler d’une expérience personnelle qui compte parmi les plus bouleversantes que j’aie vécues. En 2017, je pars faire un voyage autour du monde, tu sais la fameuse "année sabbatique" Un voyage transformateur, sans doute l’un des plus grands virages de ma vie. Sur la route, je fais un stop au Cambodge. J’y reste un mois, dont dix jours passés dans un centre de yoga et de méditation, perdu au cœur de la jungle, havre de paix, écrin sauvage, immersion yogique, coupés du monde : pas de téléphone, pas de réseaux. Le silence règne presque en permanence, à peine quelques heures de parole autorisées par jour. Et dedans, dans cette atmosphère dense et sauvage, on pratique le yoga.
Trois heures de méditation par jour et tout autant de pratique posturale, des enseignements philosophiques, les réveils sont à l’aube, et aucun divertissement n'est proposé sauf celui de participer à la vie du centre. Je me souviens comment j'ai réagit à cette découverte : pas très bien. Chaque jour, je terminais en larmes, la méditation me mettait sans dessus-dessous, le rythme exigeant des journées, j'étais épuisée, retournée, sans comprendre vraiment ce qui m'arrivait, ce n'est que bien plus tard que j'ai réalisé pleinement ce bouleversement qui m'avait submergé en Asie. C'était d'autant plus confus qu'à l'époque je me disais justement "le yoga n'est-il pas censé me faire du bien ?" ce face-à-face, ce tête-à-tête, ce moi à moi main dans la main avec la pratique faisait parti du processus de transformation qu'invite le yoga à vivre. Et pourtant de base j’étais là pour "unifier mon corps et mon esprit", hein, haha. Tu imagines bien la claque.
C’est là, dans ce contexte brut et dépouillé, que j’ai expérimenté vraiment le yoga pour la première fois, même si à l'époque je n'avais pas les outils pour l'accueillir et conscientiser l'expérience, voir ce qu’il a de transformateur et d'exigent.
Mais alors comment faire dans mon quotidien occidental ? C’est la question que beaucoup se posent, moi inclue. Dans un monde qui ne laisse pas trois heures par jour pour méditer, qui ne donne pas la place au silence, qui carbure à l'urgence et à l’occupation permanente, on fait comment ? Alors, j’ai cherché. Cherché comment ne pas trahir l’intensité de ce que j’avais traversé à l'époque, et comment ramener ces enseignements dans la réalité de mon quotidien d’Occidentale, dans une vie faite de travail, de factures, de responsabilités, de bruit, d’algorithmes, de transports, de rendez-vous, de performance, de culpabilisation, vie de famille, métro, boulot, dodo, ça te parle j'imagine.
Je suis devenue professeure de yoga, oui. Mais pas pour calquer un modèle indien hors-sol, pas pour rejouer une version édulcorée du yoga pour salle de sport non plus Pas pour donner des cours parfaits selon le modèle ancien.
Non, non, non.
J'ai choisi d'incarner MA pratique, dans un yoga moderne, conscient, inclusif et décomplexé en me formant à plusieurs discipline et approche, faisant de mon mieux à la fois pour transmettre mais pour encourager à démocratiser la pratique du yoga même si elle s'éloigne des préceptes traditionnels, cela ne m'empêche pas d'être reliée à cette philosophie et l'intégrer dans ma transmission.
Proposer un yoga ancré dans la réalité d’aujourd’hui, qui prend en compte nos contraintes comme nos ressources est un parti pris plus moderne, une appropriation de celui-ci qui ne cherche ni à idéaliser l’ascèse, ni à tourner en dérision le besoin de mouvement. Un yoga lucide, qui reconnaît que tout le monde n’a pas deux heures par jour à consacrer à sa pratique, mais qui affirme aussi que chacun peut s’offrir une parenthèse, une respiration, un moment de clarté.
Je n’attends pas de toi que tu fasses la même chose. Tu as le droit de venir au yoga pour t’assouplir, vouloir transpirer sur un flow dynamique, ou de t’allonger en silence pendant une heure de yoga nidra, et c'est OK, tu peux avoir une approche gymnique ou ascétique., et tu as le droit d’explorer, de changer, d’évoluer dans ta pratique, car ne le faisons-nous déjà pas dans notre quotidien ?
Ce que je t’invite à faire : de ton mieux, ouvrir un espace curieux, cultiver ton champ des possibles et c'est la promesse que je te propose en rejoignant mes cours, le menu est vaste, tu trouveras forcément ta place.
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